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Page:Conan - Silhouettes canadiennes, 1917.djvu/52

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mère marie de saint-joseph

Il ne fallait jamais laisser partir un sauvage sans lui offrir à manger. Y manquer aurait été chose honteuse. On tenait donc la marmite au feu tant qu’il y avait quelque chose à y mettre et l’on servait la sagamité dans des écuelles de bois ou d’écorce.

On sait si l’insécurité était grande et, habitant au bord du fleuve, les Ursulines se trouvaient entièrement à la merci des naturels si capricieux, si cruels et si fourbes. Pourtant aucune de ces nobles femmes ne semble avoir songé aux dangers qui les menaçaient. Comme Marie de l’Incarnation, la douce Mère Saint-Joseph aurait pu dire : « Je n’ai peur de rien. »

Au milieu des alarmes, des bruits de guerre, des périls de toute sorte, cette créature frêle et tendre n’eut jamais une heure d’énervement. Son esprit était fort remarquable et sa délicieuse conversation la faisait aimer de tous ceux qui l’approchaient. Elle avait la grâce, l’insinuation dans les entretiens. Elle avait aussi la finesse, le piquant, une gaieté toujours jaillissante. La royale voie de la croix s’illuminait à ses yeux d’une surnaturelle allégresse. Elle serait allée au bûcher en riant, et ravie de sa belle humeur, une religieuse venue de France pour partager les travaux de la fondation écrivait :

« La Mère Saint-Joseph nous fait souvent pleurer à force de rire, à la récréation. Il est bien difficile d’engendrer mélancolie avec elle. »

Son tact avec ses sauvages petites néophytes était incomparable. Elle savait s’emparer de leur attention volage et, pour les délasser de l’application au catéchisme, elle les faisait danser à la mode de leur pays, leur apprenait à chanter en s’accompagnant sur la viole.

L’une d’elles y excella bientôt et fit l’admiration des naturels qui venaient au parloir se faire instruire.