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Huit hommes en moururent, et cette fièvre contagieuse mit en pleine lumière la charité de Marguerite Bourgeoys : « Dans cette traversée, dit le premier historien de Montréal, elle n’eut pas de médiocres peines, y ayant eu quantité de malades, elle les servit en qualité d’infirmière et en prit un indicible soin ».

La volonté de cette femme étonnante triompha du mal de mer. Nuit et jour elle fut auprès des malades, leur rendant tous les services, les consolant, les instruisant, leur distribuant avec une céleste joie tout ce qu’elle recevait de la charité de Maisonneuve et du capitaine.

Cependant, au Canada, on avait appris que Maisonneuve était en route avec une recrue de cent huit hommes. Et comme on ignorait qu’il lui avait fallu relâcher, on s’inquiétait en voyant qu’il n’arrivait pas et chaque jour les craintes devenaient plus vives.

À Québec et à Ville-Marie, il y eut prières publiques, exposition solennelle du Saint-Sacrement.

Torturée par l’angoisse, Mlle Mance descendit à Québec pour avoir des nouvelles. La situation était terrible ; les bandes infernales, plus redoutables que jamais.

Au printemps, des hommes, envoyés à Montréal par le gouverneur-général Lauzon, n’osèrent pas s’approcher du fort. Convaincus qu’il n’y restait plus un Français, ils se tinrent au large, observant de loin ; puis ils descendirent annoncer que les Iroquois avaient pris Ville-Marie.

La sinistre nouvelle avait été vite démentie par ceux de Montréal qui avaient cru à une barque fantôme.

Mais six cents Iroquois venaient de bloquer Trois-Rivières. Les colons avaient repoussé ces démons incarnés, et cependant si un secours n’arrivait pas, si le vaisseau de Maisonneuve s’était perdu, c’en était fait de la Nouvelle-France. Chacun le comprenait.