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Elle les réunissait dès l’âge le plus tendre. Ces héroïques nichées de Ville-Marie passèrent toutes par ses mains si saintes, si maternelles.

Pour avoir des auxiliaires, Marguerite Bourgeoys se rendit en France.

Elle n’avait à promettre que pauvreté, labeurs, périls de toutes sortes, mais il y a toujours par le monde des êtres capables de tous les sacrifices. Marguerite Bourgeoys savait faire vibrer les fibres généreuses du cœur, et à Troyes même, elle trouva des compagnes d’héroïsme.

« J’ai admiré, dit-elle dans ses mémoires, comme M. Chatel, qui était notaire apostolique, m’a confié sa fille qu’il aimait, beaucoup. M’ayant demandé comment nous vivrions à Ville-Marie, je lui montrai le contrat qui me mettait en possesion de l’étable qui avait servi de colombier et de logis pour les bêtes à cornes ; et ne voyant rien pour subsister, il me dit : Eh bien ! voilà pour loger, mais pour le reste que ferez-vous ? De quoi vivrez-vous ? Je lui dis que nous travaillerions pour gagner notre vie, et que je leur promettais à toutes du pain et du potage ; ce qui lui tira les larmes des yeux et le fit pleurer. Il aimait beaucoup sa fille, mais ne voulut pas s’opposer aux desseins de Dieu sur elle. Il prend conseil de l’évêque de Troyes, M. Malier du Moussay, car il était bon serviteur de Dieu ; et, sur la réponse affirmative du prélat, il accède aux désirs de sa fille. On passa en son étude le contrat d’engagement, ainsi que celui de ma Sœur Crolo, qui avait eu le désir de venir avec moi, dès mon premier voyage. Par ce contrat, elles s’engagèrent pour demeurer ensemble et faire l’école à Ville-Marie. »

Ces jeunes filles et deux autres qui se dévouèrent aussi à l’instruction des enfants de la colonie, ne songeaient pas à former une communauté. Mais Dieu les avait choisies ; l’œuvre de Marguerite Bourgeoys devait