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se perpétuer chez nous, et dès 1658, dans ce poste de Montréal, toujours en péril, l’étonnante femme fonda la Congrégation de Notre-Dame sous la sauvegarde de la Reine du Ciel.

Un des associés de la Compagnie de Montréal, touché du zèle de la Sœur Bourgeoys, lui offrit un fonds considérable pour assurer un revenu à la congrégation naissante. Mais la magnanime fondatrice refusa absolument de l’accepter afin de ne fonder son œuvre que sur Dieu, et de pratiquer aussi parfaitement que possible la pauvreté qu’elle lui avait vouée.

Elle savait par expérience, quelles privations, quelles souffrances l’extrême pauvreté entraîne. Mais l’esprit de Jésus-Christ la possédait parfaitement et la souffrance faisait sa vie et ses délices.

Cependant cette passionnée de la croix n’avait rien d’austère dans son extérieur. Au contraire, tout en elle conviait au divin Maître, et nulle part l’héroïque créature ne semblait plus à sa place qu’au milieu des sourires et des clartés radieuses de l’enfance.

L’étable ne tarda pas à être insuffisante : il fallut construire une maison, et les Sœurs eurent bientôt des missions à Montréal et ailleurs.

L’instruction était absolument gratuite, ce qui obligeait les Sœurs à subsister du travail de leurs mains. Il est impossible de se faire une idée de ce que ces généreuses femmes eurent à dévorer de privations et de fatigues. « Elles travaillaient jour et nuit, » dit l’annaliste de l’Hôtel-Dieu.

Comme le remarque M. de Ransonet, la Sœur Bourgeoys n’attendait pas que les paroisses qui s’ouvraient fussent en état d’assurer à ses filles la subsistance. Il lui suffisait qu’il y eût du bien à faire.