Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui en est le sujet, n’ont plus aucune réalité. Cependant l’esprit ne peut pas réfléchir sur rien ; car ce seroit proprement ne pas réfléchir. Comment donc ces modifications, prises d’une manière abstraite, ou séparément de l’être auquel elles appartiennent, & qui ne leur convient qu’autant qu’elles y sont renfermées, deviendront-elles l’objet de l’esprit ? C’est qu’il continue de les regarder comme des êtres. Accoutumé, toutes les fois qu’il les considère comme étant à lui, à les appercevoir avec la réalité de son être, dont pour lors elles ne sont pas distinctes, il leur conserve, autant qu’il peut, cette même réalité, dans le temps même qu’il les en distingue. Il se contredit : d’un côté, il envisage ses modifications sans aucun rapport à son être, & elles ne sont plus rien ; d’un autre côté, parce que le néant ne peut se saisir, il les regarde comme quelque chose, & continue de leur attribuer cette même réalité avec laquelle il les a d’abord apperçues, quoiqu’elle ne puisse plus leur convenir. En un