Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/122

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l’expérience eut prouvé le contraire, les philosophes commencèrent à craindre que ces arts n’énervassent les mœurs. Ils s’opposèrent à leurs progrès, & citèrent aussi l’antiquité, qui n’en avoit jamais fait usage pour des choses de pur agrément. Ce n’est donc point sans avoir eu bien des obstacles à surmonter, que la musique & la poësie ont changé d’objets, & ont été distinguées en deux arts.

§. 74. On seroit tenté de croire que le préjugé, qui fait respecter l’antiquité, a commencé à la seconde génération des hommes. Plus nous sommes ignorans, plus nous avons besoin de guides, & plus nous sommes portés à croire que ceux qui sont venus avant nous ont bien fait tout ce qu’ils ont fait, & qu’il ne nous reste qu’à les imiter. Plusieurs siècles d’expérience auroient bien dû nous corriger de cette prévention.

Ce que la raison ne peut faire, le temps & les circonstances l’occasionnent ; mais souvent pour faire tomber dans des préjugés tout contraires.