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Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/230

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je demande s’il n’est pas naturel à chaque nation de combiner ses idées selon le génie qui lui est propre ; & de joindre à un certain fonds d’idées principales, différentes idées accessoires, selon qu’elle est différemment affectée ? Or ces combinaisons autorisées par un long usage, sont proprement ce qui constitue le génie d’une langue. Il peut être plus ou moins étendu : cela dépend du nombre & de la variété des tours reçus, & de l’analogie, qui au besoin fournit les moyens d’en inventer. Il n’est point au pouvoir d’un homme de changer entièrement ce caractère. Aussi-tôt qu’on s’en écarte, on parle un langage étranger, & on cesse d’être entendu. C’est au tems à amener des changemens aussi considérables, en plaçant tout un peuple dans des circonstances qui l’engagent à envisager les choses tout autrement qu’il ne faisoit.

§. 161. De tous les écrivains, c’est chez les poëtes que le génie des langues s’exprime le plus vivement. De-là la difficulté de les traduire :