Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/33

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cien eût pu la noter en ne faisant que de légers changemens ; ainsi je dirai qu’elle participoit du chant.

§. 15. Cette prosodie a été si naturelle aux premiers hommes, qu’il y en a eu à qui il a paru plus facile d’exprimer différentes idées avec le même mot prononcé sur différens tons, que de multiplier le nombre des mots à proportion de celui des idées. Ce langage se conserve encore chez les chinois. Ils n’ont que 328 monosyllabes qu’ils varient sur cinq tons, ce qui équivaut à 1640 signes. On a remarqué que nos langues ne sont pas plus abondantes. D’autres peuples, nés sans doute avec une imagination plus féconde, aimèrent mieux inventer de nouveaux mots. La prosodie s’éloigna chez eux du chant peu à peu, & à mesure que les raisons qui l’en avoient fait approcher davantage cessèrent d’avoir lieu. Mais elle fut longtemps, avant de devenir aussi simple qu’elle l’est aujourd’hui. C’est le sort des usages établis, de subsister encore après que les besoins qui les ont fait