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CXXVI
BIOGRAPHIE

Sieyès, dans son intimité, appelait l’œuvre d’Hérault de Séchelles une mauvaise table de matières. Ce que Sieyès disait en secret, Condorcet osa l’écrire à ses commettants. Il fit plus : dans une lettre rendue publique, le savant célèbre proposa ouvertement au peuple de ne pas sanctionner la nouvelle constitution. Ses motifs étaient nombreux et nettement exprimés :

« L’intégrité de la représentation nationale, disait Condorcet, venait d’être détruite par l’arrestation de vingt-sept membres girondins. La discussion n’avait pas pu s’établir librement. Une censure inquisitoriale, le pillage des imprimeries, la violation du secret des lettres, devaient être considérés comme ayant présenté des obstacles insurmontables à la manifestation du sentiment populaire. La nouvelle constitution, ajoutait Condorcet, ne parlant pas de l’indemnité des députés, donne à penser qu’on désire toujours composer la représentation nationale de riches, ou de ceux qui ont d’heureuses dispositions pour le devenir. Les élections trop morcelées sont une prime à l’intrigue et à la médiocrité. C’est calomnier le peuple que de le croire incapable