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CXXXV
DE CONDORCET.


la rue, et ne quitta sa retraite qu’après le 9 thermidor. L’excellente femme ajoutait, avec un sourire empreint de quelque tristesse : Depuis cette époque, je ne l’ai pas revu ; comment voulez-vous que je me rappelle son nom ?

À peine entré, au commencement de juillet 1793, dans sa cellule de la rue Servandoni, notre ancien confrère y éprouva des tortures morales cruelles. Ses revenus avaient été saisis ; il ne pouvait pas disposer d’une obole. Lui, personnellement, n’avait aucun besoin, car madame Vernet pourvoyait à tout ; car, pour cette femme incomparable, secourir un malheureux était si bien s’acquitter d’une dette, que la famille de l’illustre secrétaire, revenue à une grande aisance, échoua dans ses projets persévérants de lui faire accepter quelque cadeau.

Mais, se disait, dans sa préoccupation, le célèbre académicien : Où vivra celle qui a le malheur aujourd’hui de porter mon nom ? Toute femme noble, et, à plus forte raison, toute femme de proscrit, est exclue de la capitale. Laissez faire l’épouse dévouée : elle entrera chaque matin à Paris, à la suite des pourvoyeuses des halles, Comment vivra-t-elle ? se