Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
30
CORRESPONDANCE


le Marquis, que vous devenez l'homme le plus nécessaire à la France. Vous avez su tirer aurum ex stercore Condamini [1]. Votre ministère de secrétaire fera une grande époque dans la nation.

Je vois, dans tout ce que vous faites, toutes les fleurs de l’esprit et tous les fruits de la philosophie ; c’est la corne d’abondance. On courra à vos éloges comme aux opéras de Rameau et de Gluck. La réputation que vous vous faites est bien au-dessus des honneurs obscurs de quelque légion [2]. Tout le monde convient qu’une compagnie de cavalerie n’immortalise personne ; et je puis vous assurer que vos éloges de l’Académie des sciences éterniseront l’Académie et le secrétaire. Il n’y a qu’une chose de fâcheuse, c’est que le public souhaitera qu’il meure un académicien chaque semaine pour vous en entendre parler.

Je voudrais que le clergé eût un secrétaire comme vous, et que vous pussiez, en enterrant tous les prêtres, faire leur oraison funèbre, et enseigner aux hommes la raison, qu’on est fort loin de leur enseigner.

Vous rendez bien des services à cette malheureuse raison. Je vous en remercie de tout mon cœur, comme attaché passionnément à vous et à elle.

  1. Dans l’éloge qu’il fit de la Condamine à la rentrée de l’Académie, le 13 avril 1774, vol. II, p. 156.
  2. Racine a dit dans Britannicus, acte I, scène 2 :

    Dans les honneurs obscurs de quelque légion. B.