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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


tion a été consommée. On a besoin de lettres du sceau pour obtenir la grâce de se mettre en prison, et peut-être de se faire pendre. C’est ainsi que j’en usai avec la pauvre Sirven et toute sa famille, condamnée par des barbares non moins imbéciles et non moins méchants que ceux d’Abbeville.

Mon avis a toujours été que d’Étallonde, condamné par contumace dans le procès de La Barre, se présentât hardiment comme on va à l’assaut, et ne s’avilît point à demander une grâce qui suppose et qui constate un crime. Plus j’ai examiné ce que je sais de l’affaire, et plus il m’est évident qu’il n’y a de crime que dans les juges. Ce que je dis parut si manifeste à toute la province après l’assassinat du chevalier La Barre, que les juges d’Abbeville n’osèrent pas continuer le procès criminel commencé contre cinq jeunes gens prétendus complices de d’Étallonde et de La Barre, et dont Linguet avait pris généreusement la défense. Car si ce Linguet a d’ailleurs de très-grands torts, il faut avouer aussi qu’il a fait quelques bons ouvrages et quelques belles actions.

N. B. Je crois qu’il a entre les mains toutes les pièces du procès.

Ce que vous proposez, mon digne et respectable sage, est un trait de lumière admirable [1]. Faire re-

  1. Ce passage et la suite de cette lettre établissent nettement que l’honneur d’avoir provoqué la révision du procès de La Barre appartient à Condorcet, et que ce fut lui qui poussa à cette démarche Voltaire, qui d’abord, de peur de gâter l’affaire, ne voulait pas y paraître.