Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
77
ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.

Je dirais volontiers à celui que vous aimez [1] : Tu ne cede malis sed contra audentlor ito [2] ; mais il se le dit à lui-même.

Au reste, vous recevrez, je crois, par la première poste, le pain mollet que vous avez ordonné [3].

Mon second point est la vertueuse fermeté d’âme de mon jeune Prussien d’Abbeville. Il s’obstine à demander justice. Il regardera toujours une grâce comme un opprobre. Vous verrez s’il a raison par le mémoire que vous devez avoir reçu. Je vous prie instamment de vouloir bien donner ce mémoire à Beaumont, et de l’encourager à bien faire.

Mon troisième point roulera sur la faiblesse et sur la méprise de M. de Tressan [4]. Il n’est pas pardonnable à un lieutenant général des armées du roi de se donner ainsi en spectacle au monde, et de faire imprimer des vers si hardis sur des matières si délicates. Je conviendrai bien avec vous qu’il y a quelques beaux vers dans l’épître de ce prétendu chevalier de Morton. Mais tout géomètre que vous êtes, vous savez bien que des vers qui ne sont pas parfaits ne valent rien ; vous savez qu’un mot impropre gâte la plus belle pensée, et qu’une seule idée qui n’est pas à sa place rend tout un discours ridicule. Ainsi,

  1. Turgot.
  2. Virg., Æneich., VI.
  3. Des exemplaires de la brochure sur le commerce des blés, que Voltaire faisait imprimer à Genève pour Condorcet, Voyez page 80, lettre 40.
  4. Au sujet de l’épître du prétendu chevalier de Morton. Voyez ci-dessus la lettre du 10 avril, p. 70.