Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
85
ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


des lettres est devenu le repaire de l’incrédulité et de l'irréligion. » « Mais, Monsieur, a dit un autre archevêque, vous n’y songez pas ! nous sommes sept évêques dans l’Académie. » J. G. a repris : «  Que serait-ce si malgré les règles immuables de la prudence, et les maximes de la plus saine politique, la protection accordée à l'impiété venait à entrer dans les vues du gouvernement ? » Chacun se disait à l’oreille : Cet homme-là prend donc l’assemblée pour un concile d’oies ? mais nous ne sommes plus au temps de saint Grégoire de Nazianze. Alors J. G. a tiré de sa poche un projet de lettre au roi, car dans cette famille on aime à écrire au roi [1]. D’abord, le clergé devait y rappeler à Sa Majesté les sages lois de saint Louis, de François Ier, de Louis XIV, etc., etc., confie les blasphémateurs ; et on ajoutait qu’il fallait établir des peines plus sévères contre les écrivains qui, non contents de blasphémer, donnaient des leçons de blasphèmes. « Monsieur, a dit un des évêques, mais les lois de Louis XIV condamnent les blasphémateurs à avoir la langue coupée ; vous demandez un supplice plus grave pour les philosophes, et cela ne peut signifier qu’une peine de mort. Savez-vous que nous ne pourrions pas signer une telle lettre sans devenir irréguliers, et, qui est pis, ridicules et odieux ? » J. G. a remis son papier dans sa poche,

  1. Lefranc de Ponipignan dit à tout l’univers
    Que le roi lit sa prose et même encor ses vers.

    (Voltaire, Le Russe à Paris.)

    « Il faut que tout l’univers sache que le roi s’est occupé de mon discours (à l’Académie). » (Mémoire de Lefranc de Pompignan.)