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CORRESPONDANCE


soit pas complet, et que les aumôniers se soient dégoûtés trop vite.

J’ai connu un fort brave homme qui avait voyagé en Amérique ; il avait vécu chez une peuplade de sauvages qui savait lire, et dont les idées sur les nombres n’allaient pas au delà de 3 (La Condamine en parle). Eh bien, ce bon homme eut la patience de faire un très-gros livre pour leur prouver que deux et deux font quatre.

J’ai vu aussi un livre beaucoup plus intéressant : c’est l’histoire d’un homme très-célèbre[1]. Je suis fâché que cet homme célèbre ait enlevé aux gens de lettres, ses concitoyens, l’honneur d’avoir songé à lui élever une statue, qu’il accorde cet honneur à une étrangère [2]. Le fait n’est pas exact. L’idée est venue à un homme de lettres. Tous ceux à qui on l’a communiquée l’ont reçue avec transport ; mais il fallait s’assembler pour convenir de ces faits, et

    le roi de Pologne et non le roi de Prusse, et que c’était la pensée de Voltaire.

    Il n’y aurait eu aucun sel à supposer un commentaire sur la Bible, par les aumôniers du roi de Pologne, qui était dévot, et avait effectivement des aumôniers ou un aumônier. Pour Frédéric, c’est une autre affaire, et c’est en quoi consiste la plaisanterie de ce titre : d’ailleurs le passage de Condorcet prouve, contre M. Beuchot, qu’on a raison d’interpréter R. D. P. par le roi de Prusse.

  1. Commentaire historique sur les œuvres de l'auteur de la Henriade, t. XLVIII des œuvres de Voltaire.
  2. Madame Necker, chez qui le projet fut arrêté. Condorcet l’appelle madame de Montauron, parce que Necker était un financier, comme ce Montauron à qui Corneille dédia Cinna.