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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.

renouvelle ma sincère reconnaissance de ce que vous m’avez écrit le 20 juin.


82. À CONDORCET.
À Ferney, ce 22 octobre 1777.

(Cette lettre est de M. de Villevieille ; le post-scriptum est de Voltaire.)

Je suis ici depuis huit jours, mon cher philosophe ; j’y passerai quelques mois, peut-être l’hiver, que sais-je ? j’aurai donc le temps d’y recevoir de vos nouvelles, et j’espère que vous nous en donnerez.

On me permet de vous parler d’une, de deux tragédies. Agathocle, tyran de Syracuse, sujet singulier ! Le héros est un disciple de Platon. Athènes a cultivé ses mœurs et son génie, etc… Il y a un rôle de prêtresse que j’aime fort, un fort beau cinquième acte et un dénomment auquel on ne s’attend point. C’est fait pour être joué sur le théâtre de Venise plutôt que sur celui de Paris, et il faudrait peut-être à cette pièce Caton, Brutus, des philosophes comme vous, pour auditeurs. Au reste, elle est écrite d’un bout à l’autre avec la pureté, l’élégance et la correction de Racine. Mais venons à Alexis Comnène[1], dont je vous parlai l’année dernière, et qui n’était alors qu’une esquisse informe. Oh ! ici l’auteur de Zaïre, d’Alzire, d’Adélaïde du Guesclin, a fortifié les crayons de Racine ; c’est vraiment une tragédie, on tire le mouchoir. L’intérêt commence au premier vers, marche

  1. Jouée sous le titre d’Irène.