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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.



45. A CONDORCET.


A Limoges, le 21 janvier 1774.


Je suis fâché et vraiment surpris, Monsieur, du mauvais succès de Sophonisbe [1]. La pièce est en général très-bien écrite, et je n’y vois point ces familiarités qui ont fait rire le parterre, et que M. de La Harpe doit, dites-vous, retrancher. Je n’y vois pas non plus de longueurs sensibles, et le cinquième acte me paraît terrible et de la plus grande beauté. Je l’avais même vu représenter à Limoges [2] par des acteurs très-médiocres, à l’exception de celui qui jouait Massinissa, et le cinquième acte faisait sur moi un grand effet. Il faut, ou que je ne me connaisse point du tout en effet théâtral, ce qui est très-possible, ou que la cabale des Clément et consorts dominât dans le parterre.

J’espèie que, pour cette fois, c’est tout de bon que je vous mande de ne plus m’écrire. Ce n’est pas que je n’aie encore un peu souffert de ma colique d’estomac ; mais je ne ménagerai tant, que je me flatte de pouvoir partir la semaine prochaine.

Adieu, Monsieur ; chargez-vous, je vous prie,

  1. Voyez la lettre précédente.
  2. On pourrait s’étonner que Turgot eût déjà vu représenter à Limoges une pièce dont la première représentation avait eu lieu, à Paris, sept jours seulement avant la date de sa lettre. C’est que Sophonisbe était imprimée depuis 1770, lorsqu’on la joua, le 15 janvier 1774, sur le Théâtre-Français. Les comédiens de province avaient pris les devants sur ceux de Paris.