Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
234
CORRESPONDANCE


passé en un moment du rire à la terreur. Enfin, Lekain est venu l’annoncer pour mercredi ; il semblait demander grâce : cela a réussi, on a beaucoup applaudi. D’ici à mercredi, M. de La Harpe fera des retranchements, quelques corrections, et j’espère que tout ira bien. Il y a cinquante-cinq ans qu’on a joué Œdipe. Vous savez sans doute la mort du vicomte de Rohant, que M. de La Moussetière a tué il y a un mois environ, parce qu’il était l’amant de sa femme ? Elle était hier à l’agonie. Elle meurt de douleur. Cette femme n’a que vingt-cinq ans, et son lot n’aurait pas été mauvais si sa mort eût été plus prompte ; elle a été heureuse, ou du moins elle a eu de grandes jouissances pendant un an qu’a duré sa passion. Cela vaut mieux que de vivre aussi longtemps et aussi tristement que les autres.

Ne pourriez-vous pas me rapporter encore un petit sac de graines de raves ?

Le parlement a condamné le Bon sens [1] et livre d’Helvétius [2] , toujours à être lacérés et brûlés, à l’exemple de l’empereur Tibère de glorieuse mémoire [3]. Adieu, Monsieur ; j’espère que je ne vous écrirai plus de cet hiver.

  1. Du baron d’Holbach.
  2. De l’Esprit.
  3. La Gazette de France, copiant le Journal des Débats, a accusé Condorcet d’avoir fait brûler, en 1792, sur la place Vendôme, les immenses travaux des congrégations savantes. Voyez dans ce volume la note qui précède un fragment intitulé : Brûler les livres.