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ENTRE TURGOT ET CONDORCET.


ment à l’hypocrisie. Il y a encore l’abbé Nonotle, l’abbé Patouillet, l’abbé Bergier, l’abbé Boscowich [1], qu’on pourrait faire ministres de la guerre. Il y a l’abbé Caveyrac. Si tous ces honnêtes gens refusent le ministère, alors on pourra l’offrir au tonneau [2] ; mais ce serait un grand malheur, quoiqu’il soit un pauvre guerrier : il est encore plus accoutumé au sang que ces Messieurs, et il le verrait couler comme de l’eau, pourvu que ce ne soit pas le sien, qu’il a toujours bien conservé pour la gloire de Dieu.

Si le tonneau est ministre, nous serons brûlés avec des fagots verts. Il ressemble comme deux gouttes d’eau à Jehan Chauvin, à l’esprit près ; car Jehan Chauvin en avait, et beaucoup, et frère Félix est un sot. Je ne dis pas une bêle, prenez garde : bêtise exclut friponnerie, et sottise ne l’exclut pas. Au reste, l’Évangile dit qu’on ne doit pas mettre de vin nouveau dans de vieux tonneaux ; ainsi nous devons espérer qu’on ne laissera dans celui-ci que la fange qui y croupit depuis trente ans. Je suis tenté de me mettre dans une grosse colère quand je vois que vous vous rendez le protecteur d’un du Muy.

Ces petits protégés, sans place, sans mérite,
Ennemis des talents, des arts, des gens de bien,
Qui se sont faits dévots de peur de n’être rien.

Que serait le frère Félix s’il n’eût dupé le Dauphin par sa dévotion [3] ?

  1. Voy. p. 226.
  2. A M. du Muid.
  3. Il avait été menin du Dauphin, fils de Louis XV, qui écri-