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CORRESPONDANCE GÉNÉRALE.


raisonnements ne peuvent nous conduire plus loin.

Pardonnez-moi de revenir encore ainsi à la charge sur cet emploi du langage de la géométrie. Il peut conduire à traiter d’une manière abstraite des questions qui ne doivent jamais être traitées que d’après l’expérience, et les faits, et les idées les plus lumineuses en elles-mêmes, les plus conformes à la vérité, comme celles que vous nous donnez sur ce que c’est que le besoin ou l’abondance lorsqu’il s’agit du prix des denrées, cessent de l’être lorsque vous les assujettissez à cette rigueur analytique, et que vous voulez les considérer comme des nombres abstraits. La quantité de la marchandise universelle, celle d’une marchandise particulière, peuvent être rapportées à des nombres ; mais l’envie d’acheter et celle de vendre ne sont susceptibles d’aucun calcul, et cependant les variations du prix dépendent de cette quantité morale, qui dépend elle-même de l’opinion et des passions. C’est une belle idée que de vouloir tout soumettre au calcul ; mais. Monsieur, voyez les plus grands géomètres de l’Europe, les D’Alembert et les Lagrange. Eh bien, ils cherchent le mouvement de trois corps qui s’attirent : ils supposent que ces corps sont des masses sans étendue, ou des corps très-peu différents d’une sphère, et cette question, toute limitée qu’elle est par cent conditions qui la facilitent, les a occupés depuis vingt-cinq ans, et les occupe encore. L’effet des forces qui agissent sur la tête du commerçant le plus borné, est bien plus difficile à calculer ; et il y a de plus les principes à poser, les lois des forces, et leur manière d’agir, à