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AUX AUTEURS DU JOURNAL DE PARIS.


on de plus ? Lorsque le pape Clément XIV proscrivit un usage abominable que le goût pour les airs de bravoure avait introduit dans ses États, on ne le vit pas s’occuper des moyens d’avoir des soprano d’une autre manière.

Je conviens qu’il y a de profonds politiques qui prétendent que les vingt-deux millions de blancs ou à peu près blancs que nourrit la France, ne peuvent être heureux, à moins que trois ou quatre cent mille noirs n’expirent sous les coups de fouet, à deux mille lieues de nous. Ils ajoutent que ce moyen est le seul d’avoir du sucre et de l’indigo à bon marché. C’est ainsi qu’au temps où Louis Hutin vendit la liberté aux serfs de ses domaines, on prétendit que, puisqu’ils seraient libres de travailler ou de ne rien faire, toutes les terres allaient rester en friche. Les mêmes politiques disent encore que l’esclavage des nègres n’est pas si fâcheux qu’on le prétend ; que c’est une chose fort agréable pour un Africain que d’être arraché de son pays, entassé dans un vaisseau, où il se trouve si bien, qu’on est obligé de ne lui laisser aucun mouvement libre, de peur qu’il ne se donne la mort, d’être ensuite exposé en vente comme une bête de somme, et condamné lui et sa postérité au travail, à l’humiliation et aux coups de nerfs de bœuf. Mais enfin les blancs n’ont aucun droit de faire ce bien aux noirs malgré eux, et cela suffit. On demandait à Démosthène quelle est la première partie de l’orateur ? C'est l’action. Quelle est la seconde ? C’est l’action. Et la troisième ? C’est encore l’action. Je dirai de même, si l’on me demande