dédaigne d’en parler, et il va chercher ses exemples
dans des lois oubliées !
Il reproche aux lois du Bas-Empire leur style ; mais c’est confondre le préambule d’une loi avec la loi. Lorsqu’un peuple se donne à lui-même des lois, il n’a pas besoin d’en développer les motifs ; et souvent il n’en pourrait donner d’autres que sa volonté. Mais lorsqu’un homme dicte des lois à toute une nation, le respect dû à la nature humaine lui impose le devoir de rendre raison de ses lois, de montrer qu’il ne prescrit rien que de conforme à la justice, à la saine raison, à l’intérêt général.
Les ministres des empereurs eurent tort, s’ils écrivirent ces préambules comme des rhéteurs ; mais ils avaient raison de les regarder comme nécessaires, et Montesquieu devait faire cette distinction [1].
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Ou plutôt il ne devait pas la faire. Tout délégué du peuple, agissant pour lui, doit lui rendre compte de ses motifs : et quand il serait possible que le peuple entier agisse, il ferait encore bien de se rendre compte à lui-même de ses raisons.
Il en agirait plus sagement. Condorcet lui-même dit, au chapitre XIX, que tout législateur, pouvant se tromper, doit dire le motif qui l’a déterminé ; et il explique les différents avantages de cette précaution, et la manière de l’exécuter.
Il y a encore une raison pour que tout législateur donne ses motifs ; c’est que ces motifs, fussent-ils bons, s’ils ne sont pas de nature à être goûtés généralement, il n’est pas encore temps de rendre la loi ; et qu’au contraire, s’il parvient à les faire goûter, il est bien plus près d’amener la nation à toutes les bonnes conséquences qui en dérivent, que s’il avait fait passer la loi toute seule, par autorité ou par surprise.
- (Note de M. le comte Destutt de Tracy, pair de France.)