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OBSERVATIONS DE CONDORCET


faites pour être éternelles ; il y en a d’autres qui doivent vraisemblablement être changées. Ces deux classes de loi doivent être distinguées dans la rédaction. Par exemple, cette loi : Les impôts seront toujours établis proportionnellement au produit net des terres, peut être regardée comme une loi fondée sur la nature des choses [1]. Mais la loi qui fixe la manière d’évaluer le produit, peut être variable, parce qu’il est possible de perfectionner la méthode qu’il faut employer dans ces évaluations.

Il est encore plus important de distinguer les lois qui ne sont que pour un temps. Le chancelier de L’Hôpital, dans un édit de pacification, porta peine de mort contre ceux qui briseraient des images. Il est clair que cette loi trop rigoureuse n’avait pour objet que de prévenir des imprudences qui pouvaient rallumer la guerre civile ; et c’est en vertu de cette loi, regardée comme perpétuelle contre toute raison, que le parlement de Paris a eu la barbarie de condamner le chevalier de La Barre. Même en supposant la loi juste, il eût fallu statuer qu’elle cesserait d’être exécutée au bout de tant d’années, à moins que la continuation des troubles n’obligeât de la renouveler.

  1. On voit qu’à l’époque où Condorcet a écrit ceci, il partageait encore les opinions des économistes français les plus exclusifs. Il prouve lui-même la sagesse profonde de l’expression dont il vient de se servir : il y a des lois qui doivent paraître au législateur faites pour être éternelles. Les hommes, en effet, nepeuvent jamais répondre de l’avenir sous aucun rapport.
    (Note de M. le comte Destutt de Tracy, pair de France.)