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DISCOURS DE RÉCEPTION


la première guerre n’a eu pour objet que l’égalité des nations, l’indépendance des mers, et le maintien ou plutôt l’établissement d’un code qui manquait à la sûreté du commerce et au repos de l’Europe !

C’est au milieu de cette guerre, entreprise pour une cause si nouvelle dans les annales du monde, que le destin de la France accorde à nos vœux un petit-fis de Henri IV et de Léopold de Lorraine, les deux princes de l’histoire moderne dont les noms ont été les plus chers à leurs peuples. Entouré d’exemples domestiques, placé dans le siècle le plus éclairé, au milieu de la nation où la lumière plus vive est aussi plus également répandue, il croîtra pour le bonheur de cette nation même ; il sera le bienfaiteur d’un siècle moins infecté encore que le nôtre des restes de la barbarie. Ne craignez pour lui, ni les séductions, ni l’orgueil du pouvoir absolu : élevé sous les yeux d’une mère en qui les grâces simples et naturelles tempèrent la majesté du trône, il apprendra d’elle à préférer, aux respects qu’on doit à la puissance, ces hommages volontaires que le cœur aime à rendre à la bonté ; comme elle, il ne se souviendra de sa grandeur que pour pardonner les injures, soulager l’infortune, et protéger l’innocence calomniée, lorsque le mensonge est dans toutes les bouches, et que la crainte a laissé la vérité sans défenseurs. C’est pour les rois dépourvus de lumières que l’ivresse du pouvoir est dangereuse. Aux yeux d’un prince éclairé, qu’est-ce donc que la puissance souveraine, sinon un devoir immense, pénible même, lorsque le sentiment du bien qu’il a fait ne vient pas