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A L’ACADÉMIE DES SCIENCES.


des exemples semblables, il peut arriver sans doute qu’au bout d’une longue suite de siècles, un heureux hasard rassemble sous les yeux d’un homme de génie les monuments épars et confus amassés par le temps. Les souverains seuls ont entre leurs mains des moyens de rendre ces succès indépendants du temps et du hasard. Eux seuls peuvent prescrire et faire exécuter sur un même plan ces longs et pénibles travaux dont la gloire ne peut être le salaire. Qui formera ces grandes entreprises, dont l’utilité ne peut être sensible que dans un avenir éloigné, si ce n’est un prince qui sait mesurer ses projets, non sur la durée de la vie d’un homme, mais sur celle des empires ? Les souverains seuls peuvent, en se réunissant, donner aux recherches des savants l’étendue qu’exige toute la partie des sciences dont la nature a dispersé les éléments sur la terre entière.

Jamais aucun moment n’a été plus favorable pour les desseins qu’on peut former en faveur des sciences. Jamais leur empire n’a embrassé un si grand espace, jamais elles n’ont réuni un aussi grand nombre de disciples. Les Linnæus et les Bergman ont éclairé l’Europe du fond des mêmes climats, où les savants rassemblés par Christine n’avaient excité que de l’indifférence et du mépris. Un philosophe né sur ces bords où les Anglais n’avaient trouvé dans le siècle dernier que des sauvages barbares, a su deviner la cause de la foudre, la soumettre à ses lois, et désarmer le ciel de la même main qui devait briser les fers du Nouveau-Monde ; tandis que dans cette ville, rivale de Rome et de Byzance, qui, presque de nos