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DISCOURS


l’autorité, l’habitude leur avaient donné d’imposant. Lui reprochera-t-on de n’avoir pas toujours substitué à ces opinions, les vérités dont elles tenaient la place ? C’est avoir éclairé les hommes, que de leur avoir appris à douter ; et, pour qu’ils marchent librement vers la vérité, il faut commencer par en débarrasser la route des erreurs ou des opinions qui empêchent de la reconnaître ou de la suivre.

Le zèle de M. D’Alembert pour l’Académie, lui fit entreprendre d’en continuer l’histoire, mais sur un nouveau plan, et avec des vues plus profondes. L’éloquent et généreux Pélisson, le savant abbé d’Olivet, s’étaient bornés à raconter avec simplicité les principaux événements de la vie des académiciens, et à rapporter quelques anecdotes sur leurs ouvrages. Mais M. D’Alembert a senti que l’histoire des écrivains célèbres ne doit pas intéresser seulement ceux qui cultivent les lettres ; qu’elle doit être l’histoire des travaux et des progrès de l’esprit humain, le tableau de l’influence que peuvent avoir sur la conduite de la vie, sur le caractère ou sur les vertus des hommes, le goût de l’occupation et la culture de l’esprit. C’est là qu’on peut étudier l’homme dans ceux de son espèce qui ont le plus perfectionné leur raison, qu’on peut observer l’empire des préjugés populaires sur les hommes que leur éducation aurait dû y soustraire, et l’influence lente, mais sûre, du jugement des hommes éclairés sur les opinions du peuple. C’est là qu’on peut apprendre à reconnaître la marche des préjugés, qui tantôt remontent du peuple à ceux qui devraient l’éclairer et le détromper,