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A L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


nie qui avait créé des sciences nouvelles, et franchi l’espace sur le bord duquel Newton s’était arrêté. Il croyait qu’une société d’hommes de lettres, chargée des intérêts de la raison comme de ceux de la littérature, devait, avec un courage égal, opposer une barrière au mauvais goût qui dégrade l’esprit humain, et aux préjugés qui l’égarent ou l’abrutissent ; et il veillait avec un zèle infatigable pour que les choix, les jugements, les démarches de la compagnie dont il était l’organe, répondissent à une destination si noble et si utile.

Combien de fois l’avons-nous entendu dans ces assemblées, tantôt combattre les préjugés littéraires avec les armes d’une philosophie sage et lumineuse, tantôt accabler les ennemis de la raison sous les traits de l’éloquence ou de la plaisanterie, n’employant que les ménagements qui étaient utiles à la cause de la vérité, évitant avec adresse de soulever contre elle les esprits timides ou prévenus, mais dédaignant les clameurs dont lui seul était l’objet, et bravant avec courage cette foule impuissante d’ennemis et d’envieux que les vertus et les talents traînent à leur suite !

Il n’existe dans la littérature et dans la philosophie, un nombre beaucoup plus grand qu’on ne croit d’opinions qui se transmettent d’âge en âge, qu’on regarde comme certaines, parce qu’on les a toujours crues, dont on a mille fois prétendu donner des preuves, et que jamais on n’a examinées. M. D’Alembert se plaisait à combattre ces opinions, à les montrer telles qu’elles étaient, dénuées de tout ce que le temps,