les jurisconsultes en voulant résoudre ces mêmes
questions sans employer le calcul, leçon qu’il était
utile de leur donner. Un des plus grands maux que
nous ayons à reprocher aux siècles d’ignorance, est
peut-être de classer les hommes en espèces de corporations, dont les membres, exerçant exclusivement
certaines fonctions, se sont persuadés qu’ils
devaient posséder aussi exclusivement les connaissances
nécessaires pour les bien remplir. C’est encore
aujourd’hui la principale cause pour laquelle certains
hommes, au lieu de profiter des progrès rapides
que l’esprit humain a faits depuis un demi-siècle,
nous citent la chute de leurs préventions et
de leurs erreurs comme une preuve de sa décadence
et de sa dépravation. Ils voient avec peine s’établir
l’opinion que le titre d’homme suffit pour donner,
à celui qui juge une vérité utile, la liberté de la croire et le droit de la dire. Nous avons encore, par exemple, des jurisconsultes assez dignes de ces temps antiques, pour savoir mauvais gré à quelques philosophes
d’avoir regardé la raison et l’expérience comme
des guides plus sûrs, que les légistes du Bas-Empire
et leurs obscurs commentateurs.
Depuis l’ouvrage de Nicolas Bernoulli, le calcul des probabilités est devenu l’objet des recherches des philosophes comme des travaux des mathématiciens ; on s’est occupé d’en approfondir les principes comme d’en multiplier les applications et d’en perfectionner les méthodes. Ce sont les éléments de ce calcul que nous nous proposons d’enseigner. Nous chercherons d’abord à donner une idée juste des