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ET LE FAUX AMI DU PEUPLE.

Si le peuple a un sentiment exagéré de sa liberté et de son pouvoir ; s’il confond l’obéissance aux lois et la servitude, une république bien ordonnée et la tyrannie des chefs ; s’il veut tout faire par lui-même, pour tout livrer aux intrigants qui le séduisent, Philodème ose lui dire qu’il n’y a de liberté qu’où les lois sont respectées ; où le peuple sait obéir aux chefs qu’il s’est donnés ; où les citoyens ne font que ce qu’ils savent faire, ne jugent que ce dont ils peuvent juger.

Cherche-t-on à agiter le peuple par de vaines terreurs, à semer des inquiétudes, des soupçons, pour exciter ses ressentiments, pour travailler ses passions ? Philodème cherche à dissiper ces craintes chimériques, ces absurdes soupçons ; tranquille, il annonce qu’il plaint ceux qu’on trompe, autant qu’il méprise les instigateurs. Est-il lui-même l’objet de la calomnie ? Il n’oppose que sa vie entière et de nouveaux services ; il n’a pas besoin d’effort pour pardonner aux esprits crédules, et tâche d’oublier jusqu’à l’existence de ses persécuteurs.

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Démagoras cherche avec soin quelle est l’opinion la plus agréable à la multitude, et il l’exagère ; quelles passions agitent le peuple, et il les flatte. Il applaudit aux injustices commises parle peuple ; il excuse ses violences, il caresse tous ses défauts. Quelques brigands ont-ils commis des désordres ? Le bon peuple ! s’écrie-t-il, je l’en aime davantage. La volonté du peuple est sa loi : il faut donc approuver