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LE VÉRITABLE


des fautes, il les lui reproche ; quelquefois il l’oblige à les réparer.

Quand il paraît, les bons citoyens espèrent ; mais une terreur secrète agite le cœur des hommes pervers. Accompagne-t-il un citoyen dans la rue, ce n’est jamais celui que la faveur populaire rend le maître de la ville ; c’est celui qui a mérité delà patrie ou que les méchants persécutent. On ne compte aucun homme corrompu parmi ses amis, ni, parmi ses ennemis, aucun de ceux qui peuvent être utiles à la république.

Si le peuple, égaré par les orateurs, a commis des violences, la figure, la contenance de Philodème annoncent l’affliction profonde de son âme ; il se serait exposé à la fureur du peuple pour lui épargner un crime ; il s’expose à ses ressentiments, en ne lui cachant ni son indignation ni sa douleur. Il ne cherche point de vaines excuses, puisées dans l’erreur du peuple, dans ses intentions, dans les fautes de ceux sur qui il a exercé ses vengeances : il ne demande pas si le sang répandu était donc si pur [1]. Il gémit hautement sur la majesté des lois violées, sur les droits de la nature outragés. Il ose dire aux citoyens : Celui que vous avez sacrifié à la vengeance, et qui ne devait être immolé qu’à la loi, était peut-être un déprédateur ou un traître ; mais, vous, vous êtes des assassins [2].

  1. Le mot est de Barnave, à l’occasion de l’assassinat de Foulon et Bertier.
  2. Ceci fait allusion à un fait rapporté par Aulu-Gelle ; il est trop connu pour l’insérer ici. (Note de Condorcet.)