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DE LA SCIENCE, ETC.


par le calcul des probabilités, si l’on doit ou non regarder cette coexistence comme résultant d’une loi constante, si l’effet doit être attribué à la cause qu’on lui suppose, ou au hasard, c’est-à-dire, à une cause inconnue.

Si je jette deux dés cinquante fois de suite, et que j’amène vingt-sept fois un nombre impair, et vingt-trois un nombre pair, quoique je sache que des trente-six combinaisons possibles, qui donnent depuis deux jusqu’à douze points, dix-huit produisent un nombre pair, et dix-huit un nombre impair, il ne me viendra pas dans l’idée que je doive attribuer à une inégalité dans les dés cette supériorité des nombres impairs. Mais si je réitère cent fois de suite cette même épreuve de cinquante projections des dés, si alors j’ai amené environ deux mille sept cents fois un nombre impair contre environ deux mille trois cents un nombre pair ; si, dans ces cent expériences, quatre-vingt-dix-huit contre deux m’ont présenté cet avantage en faveur des nombres impairs, alors n’aurai-je pas lieu de croire que les dés sont formés de manière que, l’un donnant plus aisément un nombre pair, et l’autre un nombre impair, il en résulte plus de facilité pour amener un nombre impair, en les jetant tous deux à la fois ?

On voit que cette même observation s’applique également aux faits naturels, et qu’on s’exposerait à des erreurs même ridicules, si on concluait leur dépendance mutuelle d’un petit nombre de coïncidences ; si, par exemple, après avoir trouvé qu’à une telle époque, dans un tel lieu de trois mille habitants, il se trouve six aveugles, et quatre seulement