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A SA FILLE.


qui aient le charme de la nouveauté, et cette nouveauté même cesse d’être un plaisir.

Rien n’est donc plus nécessaire à ton bonheur que de t’assurer des moyens dépendants de toi seule pour remplir le vide du temps, écarter l’ennui, calmer les inquiétudes, te distraire d’un sentiment pénible.

Ces moyens, l’exercice des arts, le travail de l’esprit, peuvent seuls te les donner. Songe de bonne heure à en acquérir l’habitude.

Si tu n’as point porté les arts à un certain degré de perfection, si ton esprit ne s’est point formé, étendu, fortifié par des études méthodiques, tu compterais en vain sur, ces ressources : la fatigue, le dégoût de ta propre médiocrité, l’emporteraient bientôt sur le plaisir.

Emploie donc une partie de ta jeunesse à t’assurer pour ta vie entière ce trésor précieux. La tendresse de la mère, sa raison supérieure, sauront l’en rendre l’acquisition plus facile. Aie le courage de surmonter les difficultés, les dégoûts momentanés, les petites répugnances qu’elle ne pourra t’éviter.


Le bonheur est un bien que nous vend la nature,
Il n’est point ici-bas de moissons sans culture.


Ne crois pas que le talent, que la facilité, ces dons de la nature, qui tiennent peut-être plus à notre organisation première qu’à notre éducation ou aux efforts de notre volonté, soient nécessaires pour arriver à ce moyen de bonheur.