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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 1.djvu/824

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CONSEILS DE CONDORCET

Enfin, elle est également utile et quand les autres ont besoin de nous, et quand nous-mêmes avons besoin d’eux : elle rend plus facile et plus doux le bien que nous pouvons leur faire ; elle rend moins difficile à obtenir et moins pénible à recevoir celui que nous pouvons en attendre. Mais veux-tu prendre l’habitude de l’indulgence ? Avant de juger un autre avec sévérité, avant de t’irriter contre ses défauts, de te révolter contre ce qu’il vient de dire ou de faire, consulte la justice : ne crains point de faire un retour sur tes propres fautes ; interroge ta raison ; écoute surtout la bonté naturelle, que tu trouveras, sans doute, au fond de ton cœur : car, si tu ne l’y trouves pas, tous ces conseils seraient inutiles ; mon expérience et ma tendresse ne pourraient rien pour ton bonheur.

La personnalité dont je voudrais te préserver n’est pas cette disposition constante à nous occuper sans distraction, sans relâche, de nos intérêts personnels, à leur sacrifier les intérêts, les droits, le bonheur des autres ; cet égoïsme est incompatible avec toute espèce de vertu, et même de sentiment honnête ; je serais trop malheureux, si je pouvais croire avoir besoin de t’en préserver.

Je parle de cette personnalité qui, dans les détails de la vie, nous fait tout rapporter aux intérêts de notre santé, de notre commodité, de nos goûts, de notre bien-être ; qui nous tient en quelque sorte toujours en présence de nous-mêmes ; qui se nourrit de petits sacrifices qu’elle impose aux autres, sans en sentir l’injustice et presque sans le savoir ; qui