il a de la simplicité et delà négligence dans le maintien.
Ceux qui ne le verraient qu’en passant diraient
plutôt : Voilà un bon homme, que voilà un homme
d’esprit ; et ce jugement serait une sottise. Car si
M. de Condorcet est bon, et s’il est bon par excellence,
il n’est point ce qu’on entend par un bon
homme. Ce qu’on appelle un bon homme est presque
toujours faible et borné ; cette sorte de bonté ne consiste qu’à ne pas faire le mal, et assurément ce n’est
point par les qualités négatives que je peindrai
M. de Condorcet. Il a reçu de la nature le plus grand
esprit, le plus grand talent et la plus belle âme ; son
talent aurait suffi pour le rendre célèbre, et son esprit
pour le faire rechercher ; mais son âme lui fait
des amis de tous ceux qui le connaissent un peu particulièrement.
Je ne m’étendrai pas sur son talent ; la réputation dont il jouit en Europe ne me laisse rien à dire sur un genre de mérite qui a si peu de juges, et qui cependant assure la célébrité à tout ce qu’ils apprécient et qu’ils admirent. À l’égard de son esprit, on pourrait lui donner un attribut qu’on n’accorde qu’à Dieu : il est infini et présent sinon partout, du moins à tout ; il est fort et il est fin, il est clair et précis, et il est juste et délié ; il a la facilité et la grâce de celui de Voltaire, le piquant de celui de Fontenelle, le sel de celui de Pascal, la profondeur et la perspicacité de celui de Newton ; il joint enfin aux
connaissances les plus étendues les lumières les plus
profondes, et le goût le plus exquis et le plus sûr. Et ne dites point que c’est ici un portrait d’imagination, et que la nature n’a jamais produit un homme si
extraor-
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PORTRAIT DE M. DE CONDORCET.