dinaire ; je vous répondrai : La nature n’a point de bornes ; et si vous croyez que j’aie mis de l’exagération dans ce que je viens de vous dire, jugez vous-même M. de Condorcet ; causez avec lui, lisez ce qu’il a écrit ; parlez-lui philosophie,
belles-lettres, sciences, arts, gouvernement, jurisprudence, et, quand vous l’aurez écouté, vous direz cent fois par jour que c’est l’homme le plus étonnant que vous ayez jamais entendu.
Il n’ignore rien, pas même les choses les plus
disparates à ses goûts et ses occupations : il saura
les formules du Palais et les généalogies des gens de
la cour, les détails de la police et le nom des bonnets
à la mode ; enfin rien n’est au-dessous de son
attention, et sa mémoire est si prodigieuse qu’il n’a
jamais rien oublié.
Les qualités de son âme sont analogues à celles de son esprit ; elles sont aussi étendues et aussi variées, et, ce qu’il y a de singulier, c’est que, pour peindre M. de Condorcet, on ne doit pas dire : C’est un homme vertueux, parce que le mot de vertu entraîne l’idée d’effort et de combat, et que jamais aucune de ses actions, aucun de ses mouvements ne porte ce caractère. En un mot, que vous dirai-je ? la nature semble l’avoir formé parfait, et ce n’est que la réflexion qui rend vertueux. On admire les effets de la vertu, et toutes les qualités de M. de Condorcet le font chérir. Sa bonté est universelle, c’est-à-dire que c’est un fond sur lequel doivent compter tous ceux qui en auront besoin ; mais c’est un sentiment profond et actif pour ses amis. Il a tous les genres de bonté : celle qui fait compatir, secourir, celle qui rend facile et indulgent,