Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/138

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semblables, il faudrait aussi priver du droit de cité la partie du peuple qui, vouée à des travaux sans relâche, ne peut ni acquérir des lumières ni exercer sa raison, et bientôt de proche en proche on ne permettrait d’être citoyens qu’aux hommes qui ont fait un cours de droit public. Si on admet de tels principes, il faut, par une conséquence nécessaire, renoncer à toute constitution libre. Les diverses aristocraties n’ont eu que de semblables prétextes pour fondement ou pour excuse ; l’étymologie même de ce mot en est la preuve. On ne peut alléguer la dépendance où les femmes sont de leurs maris, puisqu’il serait possible de détruire en même temps cette tyrannie de la loi civile, et que jamais une injustice ne peut être un motif légitime d’en commettre une autre.

Il ne reste donc que deux objections à discuter. A la vérité, elles n’opposent à l’admission des femmes au droit de cité que des motifs d’utilité, motifs qui ne peuvent contrebalancer un véritable droit. La maxime contraire a été trop souvent le prétexte et l’excuse des tyrans ; c’est au nom de l’utilité que le commerce et l’industrie gémissent dans les chaînes, et que l’Africain reste dévoué à l’esclavage ; c’est au nom de l’utilité publique qu’on remplissait la bastille ; qu’on instituait des censeurs de livres, qu’on tenait la procédure secrète, qu’on donnait la question. Cependant nous discuterons ces objections, pour ne rien laisser sans réponse.

On aurait a craindre, dit-on, l’influence des femmes sur les hommes.