Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/146

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sur le préjugé, etc.

cher. Nous verrons ensuite si des combinaisons locales ont établi réellement cette contrariété entre Paris et les provinces.

Celte prétendue opposition d’intérêts entre les nations du globe, entre les divisions d’un même État, entre les capitales et les provinces, entre les villes et les campagnes, entre les métropoles et les colonies, entre le commerce et l’agriculture, entre les capitalistes et les propriétaires, entre les riches et les pauvres, a été jusqu’ici une des principales causes qui ont retardé les progrès de la liberté, de la paix, de la véritable égalité encore si peu connue.

C’est le prétexte banal de presque toutes les mauvaises lois civiles, de la forme vicieuse des impôts, et des vexations qu’elle nécessite, des règlements de commerce les plus ruineux, de la complication des constitutions libres, de la désunion entre les enfants d’une même patrie, de la guerre entre les peuples. C’est par là que d’insidieux politiques, plus encore peut-être par préjugé que par système, ont changé la société, qui ne devait être qu’une réunion d’hommes mutuellement occupés d’augmenter le bonheur commun, en une arène dans laquelle des ennemis ouverts ou cachés se disputent des dépouilles par la ruse ou par la force.

C’est enfin la dernière ressource de ceux qui voient avec une douleur impuissante, la connaissance des droits naturels des hommes ébranler dans leurs fondements les abus destructeurs qui ont régné si longtemps. C’est par là qu’on peut tromper encore ceux qu’on n’ose plus opprimer, et cacher aux yeux du