Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/147

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sur le préjugé, etc.

faible les chaînes invisibles dont on veut l’entourer.

Il serait facile de détruire ce système en remontant aux premiers principes des sociétés, en montrant que le bonheur social est attaché au libre exercice des droits naturels, ce qui suppose le respect pour les droits d’autrui, et au développement le plus libre des forces et des facultés de chaque individu ; développement qui, restreint par la justice seule, augmente pour soi-même, comme pour autrui, la masse des jouissances et les avantages de la société.

On ferait voir que les diverses professions, du moins celles qui naissent de la nature et non des institutions arbitraires, sont nécessaires l’une à l’autre, s’entraident, et ne se nuisent point ; que les richesses, si des lois vicieuses ne s’opposent pas à leur distribution naturelle, tendent à se diviser et non à se réunir dans un petit nombre de mains ; qu’en attendant que de bonnes lois, favorables même à la pluralité des riches, établissent lentement cette égalité plus grande, l’intérêt actuel des pauvres est de conserver une inégalité, qui seule peut faire employer l’espèce d’industrie pour l’acquisition de laquelle ils ont consumé leurs premières années ; qu’enfin l’oppression ne produit jamais qu’un avantage passager, qui ne peut même s’étendre que sur le petit nombre de la classe des oppresseurs.

Les provinces d’un même empire, comme les diverses nations du globe, n’ont qu’un seul intérêt, celui d’une communication libre qui les fasse jouir des biens que les progrès de la civilisation doivent