Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/197

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de la liberté, etc.

pour règle à celle d’autrui ; que cette autorité n’appartient qu’à la raison commune, dont la loi a elle-même déterminé les interprètes : et que le droit de l’indépendance privée cesse quand l’exercice de ce droit a sur les autres une influence involontaire.

Lorsque les lois n’émanent pas d’un pouvoir légitime, c’est-à-dire, de la volonté des citoyens égaux entre eux, ou de leurs représentants ; lorsqu’elles forment un système oppresseur ; lorsqu’elles attaquent directement les droits naturels, la conscience de chaque citoyen peut être juge de l’obéissance qu’il doit à ces lois, parce qu’alors il n’est pas lié à une société qui n’a pas une existence légitime, qu’il l’est seulement à ses semblables par le seul droit de la nature, qui n’est pas arbitraire, mais qui ne peut avoir pour juge que la raison et la conscience de chaque individu.

Au contraire, quand les lois émanent d’un pouvoir légitime, quand elles ont pour objet le maintien des droits naturels, quand elles n’en violent évidemment aucun des principes, alors c’est un devoir d’obéir à ces lois, précisément parce qu’elles sont des lois. La conscience n’a plus le droit de juger l’obéissance qu’on doit à chacune ; mais elle ordonne impérieusement de leur obéir à toutes, d’en maintenir l’exécution, même lorsqu’on y trouve des dispositions injustes ; même lorsqu’on en prouve les vices ; même lorsqu’on en sollicite la révocation, d’après les moyens établis par une constitution légitime.

La nécessité d’inspirer à des citoyens libres le respect des lois, n’est pas uniquement fondée sur des