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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/238

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OPINION

contre les sophismes qui voudraient les ébranler, par l’autorité de la volonté générale. Vous ne devez donc écouter, dans la question importante qui vous occupe, ni une juste indignation, ni les sentiments de votre générosité ; mais vous devez peser avec sévérité, dans la balance du droit et de la justice, les moyens qui vous seront proposés. Ainsi, avant de chercher ce qu’il peut être à propos de faire, j’examinerai, Messieurs, ce que vous pouvez faire avec justice ; je chercherai à fixer les limites des moyens dont l’inflexible équité vous a laissé le choix.

La nature accorde à tout homme le droit de sortir de son pays ; la constitution le garantit à tout citoyen français, et nous ne pouvons y porter atteinte. Le Français qui, pour ses affaires, pour sa santé, même pour l’intérêt de son repos et de son bienêtre, veut quitter son pays, doit en avoir la liberté la plus entière ; il doit pouvoir en user sans que son absence le prive du moindre de ses droits. Dans un grand empire, la diversité des professions, l’inégalité des fortunes, ne permettent pas de regarder la résidence, le service personnel, comme une obligation commune que la loi puisse imposer à tous les citoyens. Cette obligation rigoureuse ne peut exister que dans le cas d’une nécessité absolue ; l’étendre à l’état habituel de la société, et même à tous les temps où la sûreté, la tranquillité publique paraissent menacées, ce serait troubler l’ordre des travaux utiles, et attaquer les sources de la prospérité générale.

Tout homme a de plus le droit de changer de