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sur les émigrants.

Nous devons les plaindre, et voir en eux des individus qui, pour avoir cessé d’être nos concitoyens, et pour s’être trompés, n’en sont pas moins des hommes, n’en doivent pas moins conserver comme tels tous les droits des étrangers propriétaires.

Une troisième classe enfin a manifesté, avec violence, le désir de renverser cette même constitution.

Plusieurs d’entre eux sont déjà coupables ; or, je demande si, dans une telle circonstance, la justice la plus impartiale, la plus scrupuleuse, peut interdire à la nation française l’usage des moyens qu’elle peut avoir de connaître ses ennemis ; je demande pourquoi elle ne pourrait user du droit naturel à tout individu de prendre des précautions pour sa sûreté ; comment surtout ne le pourrait-elle pas, si elle se borne à obliger les émigrants d’expliquer leurs intentions, à priver ceux qui ne voudraient pas répondre, des moyens de nuire qu’il est en son pouvoir de leur enlever ?

Refuser d’ailleurs de prendre des mesures de ce genre, ce ne serait pas ici rendre un hommage à la liberté, ce serait plutôt la violer. Comment, en effet, les citoyens français, que leurs affaires, que leur santé appellent dans les pays étrangers, auraient-ils une véritable liberté de s’y rendre, si, en sortant de France, ils courent risque d’être confondus avec de vils transfuges ? Par cette fausse générosité, on sacrifierait l’innocent au coupable ; on exposerait des hommes paisibles, des citoyens respectables, à cette haine terrible qui poursuit les ennemis de la patrie.

Enfin, si une puissance étrangère faisait des pré-