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opinion

paratifs de guerre qui pussent causer à une nation de justes inquiétudes, cette nation aurait le droit de solliciter la déclaration que ces préparatifs ne sont pas dirigés contre elle. Comment ne l’aurait-elle pas à l’égard des citoyens sortis de son sein, si leur nombre, si leurs dispositions excitent des inquiétudes égales ? Le droit est le même ; mais les moyens de l’exercer doivent être différents. S’il s’agit d’une nation, par exemple, la force armée, la propriété publique peuvent seules être regardées comme ennemies. Le citoyen paisible, soumis à la volonté générale, n’est rien dans cette lutte entre les nations. Mais dans un rassemblement qui n’a point une existence sociale reconnue, où il n’existe point de volonté commune, la majorité ne peut obliger la minorité ; on ne peut y reconnaître que des volontés individuelles ; tous sont membres d’une ligue volontaire, et chaque individu peut être considéré comme un ennemi.

J’oserai, d’après ces principes, proposer ici trois mesures que je crois également utiles et légitimes.

La première, d’établir une séparation entre les émigrants que nous pouvons continuer de regarder comme des citoyens, ceux qui doivent être pour nous de simples étrangers, ceux qui, enfin, n’ayant point voulu profiter de la faculté de détruire les soupçons élevés contre eux, ont mérité d’être traités comme des ennemis.

La seconde, de fixer de quels droits, réservés aux seuls citoyens français, doivent être privés ceux à qui leurs préjugés ont fait préférer la qualité d’étrangers.