Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 10.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
279
d’un monarque, etc.

dispendieuses et plus communes ? Nous avons ordonné le partage égal des biens entre tous les enfants, nous avons détruit les rois des familles : serait-ce donc pour donner à la nation un roi, et un roi doté si richement, qu’il pût, à son gré, donner des rois à toutes les classes de fortunes ?

Si vingt-cinq millions, dans les mains d’un seul, oppriment, et révoltent les habitants des villes, ces hommes, si longtemps stupides admirateurs du luxe, et dont toutes les habitudes avoisinent les vices, quelle idée prendra-t-on de cet excès de richesse, considéré relativement à la classe pure et indigente qui couvre nos campagnes, et qui forme la véritable majorité de la nation ?

Quelle insulte publique à celui qui naît sans propriété, qu’un degré de richesse tel, que tous les besoins de la nature, étendus et irrités par les chefs-d’œuvre des arts et par tout ce que le caprice d’une imagination dégoûtée peut inventer de variétés et de recherches, ne sauraient l’épuiser ; qu’un degré de richesse tel, que celui qui en est pourvu est forcé de donner à d’autres ses passions et ses goûts pour les consumer, et qu’il lui en reste encore assez pour acheter des pensées et des volontés ! Quoiqu’il ne doive plus se trouver de pudeur et de raison dans l’âme d’un homme pour lequel des milliers d’hommes ont abjuré la raison, je demanderai au dernier de nos maîtres s’il pourrait, sans rougir, faire lire à un habitant de la campagne l’état de sa maison, même depuis les prétendues réformes qu’il y a faites ? s’il oserait mettre sous ses yeux la ridicule et déplorable