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sur la liberté

cher à la restreindre par des craintes chimériques.

Mais ce n’est pas assez qu’il existe des grains, que le transport en soit possible, il faut que, pour tous les lieux où le besoin se fait sentir, les secours soient préparés et puissent s’y porter avec rapidité.

Un commerce libre, auquel des négociants honnêtes pourraient se livrer sans crainte d’éprouver des obstacles ou d’encourir la haine du peuple, en est le moyen le plus sûr.

Par le tableau des prix, par la connaissance qu’ils ont des moyens de transport, ils jugent des cantons où la denrée est surabondante, de ceux où elle est rare, et ils savent comment on peut l’y transporter. La concurrence les oblige de borner leurs profits ; la nécessité de retirer leurs fonds, la crainte de voir leurs blés se détériorer, et d’autres négociants en offrir à un moindre prix, les force à vendre prompte ment.

Le commerce libre a un autre avantage non moins important : c’est qu’il n’attend point, pour agir, le moment du besoin, qu’il se prépare d’avance, qu’il est déjà prêt lorsque le besoin se déclare. L’expérience a prouvé qu’aucune mesure administrative ne peut le remplacer, ne peut agir avec la même activité, la même économie, la même sûreté.

Ce qui importe vraiment aux citoyens pauvres, ce n’est pas de payer le blé très-bon marché, mais de le payer toujours à peu près le même prix. C’est sur le prix commun ordinaire du blé que se règle celui des salaires ; il ne peut suivre les variations momentanées, ou même annuelles, du prix des sub-