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de la nature

plus grand nombre, au moins par leur renommée.

Les conséquences nécessaires de la révolution française ont ici multiplié les difficultés. Presque tous les hommes connus au delà de leur commune ou de leur quartier, ont successivement disparu du nombre des éligibles avec les différentes nuances de l’aristocratie. Comme la société était divisée en classes qui se mêlaient rarement, on connaissait bien moins les personnes que les noms, les places, les richesses ; enfin, de ces deux causes réunies, et d’une longue suite de trahisons qui se sont succédé sous toutes les formes, il a dû résulter une défiance, qu’une expérience antérieure, que la réputation même la plus confirmée, n’ont pu détruire, et que les intrigants se sont empressés d’augmenter, parce qu’ils étaient sûrs de ne pouvoir obtenir de confiance qu’au milieu de la confusion d’une défiance universelle.

Les peuples anciens faisaient surveiller leurs magistrats par des tribuns, par des éphores ; par là ils compliquaient la tyrannie, et ne la détruisaient pas. Seulement sa marche en était plus embarrassée et plus lente, et le concert entre les ennemis de la liberté, plus difficile à établir.

De tels moyens seraient puérils depuis que l’imprimerie, devenue un art vulgaire, offre aux peuples libres une garantie plus certaine, qu’aucune atteinte à leurs droits ne peut rester inaperçue ou impunie.

Des presses libres, comme le dit Voltaire, sont les véritables tribuns des nations modernes.

Il existe, cependant, parmi elles une cause de défiance qui leur est particulière. L’action des gouver-