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de la nature

Le grand art de gouverner y consiste donc à opposer sans cesse aux inquiétudes partielles des factions du peuple, la confiance de la masse entière du même peuple, et l’opinion commune aux opinions des partis et des factions. C’est surtout à empêcher cette opinion commune de s’égarer.

Le moyen d’y éviter les insurrections est donc de dominer la volonté du peuple par la raison, de le forcer, en l’éclairant, non de plier devant la loi, mais de vouloir y rester soumis. Le moyen d’éviter les insurrections est donc d’y organiser des réclamations régulières, également irrésistibles, qui forcent la souveraineté nationale à prononcer son vœu. Le moyen d’y prévenir les révolutions, est de donner aux citoyens la facilité de les faire sous une forme légale et paisible.

Si cent mille hommes, si la nation entière peut en tout temps montrer son opinion, elle ne sera pas tentée de montrer ses armes, et elle ne sera pas obligée de déployer sa force, quand elle saura qu’il lui suffit de prononcer sa volonté. Enfin les citoyens ne seront plus exposés à se tromper sur cette volonté générale, à la confondre avec les caprices des hommes qui les entourent, s’ils ont un moyen sûr de l’interroger et de la connaître.

C’est ainsi que la liberté et la paix, le respect des lois et l’indépendance, la tranquillité dans toutes les actions, et la passion la plus ardente pour les intérêts publics, la raison et l’enthousiasme, peuvent exister dans le même pays, et se réunir dans les mêmes âmes.