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des pouvoirs politiques

n’exercent que le pouvoir ou les fondions qui leur sont délégués par elle ?

Pourquoi une doctrine si simple et si vraie, que personne n’oserait combattre, a-t-elle tant de peine à devenir l’opinion générale ? N’est-ce pas que chaque section particulière du peuple regarde le droit de connaître le vœu de la généralité de la nation avec laquelle elle est confondue, comme une des conditions de cette association, comme le juste prix de la renonciation à celui de donner quelque efficacité à sa volonté propre, et de ce qu’elle a consenti à mettre en commun le droit de souveraineté que primitivement elle pouvait exercer seule ? N’est-ce pas la confusion de ce droit d’invoquer le souverain, avec le droit de souveraineté, qui est la vraie cause de cette erreur si commune ?

Tel est le terme auquel il me paraît que l’on doit s’arrêter ; sans jamais oublier combien il est nécessaire de rester plutôt en deçà du but, que de le passer dans ce qu’on exige de la confiance du peuple.

Ainsi, dans une constitution vraiment libre, non-seulement tout pouvoir émane du peuple, et se rapporte à la volonté unanime de se soumettre à l’opinion de la majorité, soit qu’elle prononce sur un objet déterminé, soit qu’elle se borne à décider elle-même à quelle opinion elle veut se soumettre provisoirement ; mais aussi toute la force des pouvoirs délégués se réduit à celle du peuple lui-même, de manière qu’elle tombe nécessairement avec sa confiance, ou plutôt lorsqu’il perd l’opinion que sa force doit être employée à soutenir ces pouvoirs.