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à l’assemblée nationale, etc.

d’hommes distingués par leurs lumières ou par leur éloquence, qui même ont laissé échapper un si petit nombre de ceux que l’opinion publique avait pu désigner. Pourquoi ce même peuple se tromperait-il davantage, lorsque les élections se feront dans des assemblées mieux ordonnées et plus paisibles ; lorsque moins d’intérêts le porteront à la défiance contre les hommes éclairés, mais liés aux classes supérieures ; lorsqu’il pourra étendre son choix sur la généralité des citoyens ; lorsque son vœu, jusqu’ici livré au hasard, aura pour se guider l’observation de la conduite et des opinions de ceux qui ont exercé des fonctions publiques, soit dans les municipalités provisoires, soit dans l’assemblée nationale elle-même ? Non, Messieurs, vous ne devez rien craindre pour les législatures suivantes : affranchies de toutes ces conditions pécuniaires qui semblent dégrader la dignité de l’homme, elles seront encore ce qu’est aujourd’hui votre assemblée : l’élite de la nation.

Des peuples éclairés ont établi des conditions pécuniaires ; mais en Angleterre elles sont habituellement éludées, et elles n’y ont jamais empêché la corruption. Dans les États-Unis d’Amérique, elles n’excluent réellement personne, parce qu’il y est très facile d’acquérir les propriétés exigées par la loi ; que les hommes y manquent à la terre, et non la terre aux hommes ; et que le désir de se rendre indépendants par l’acquisition d’une possession territoriale, précède, dans ceux qui n’en ont pas encore, celui d’occuper des emplois.