Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 11.djvu/16

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crevaient les yeux de leurs esclaves, pour qu’ils battissent leur lait sans distraction. Non seulement ces hommes étaient cruels, mais ils entendaient mal leurs intérêts. Le travail n’en va que mieux quand il est fait gaiement et par des gens qui voient clair.

En parcourant la table de votre livre, je ne me sentais pas de joie. Tout ce que nous avons jamais désiré de savoir se trouve réuni dans cet ouvrage : mais je fus bien trompé, lorsqu’en le lisant à mes enfants, je vis que ni eux ni moi, nous ne pouvions en entendre une page. Cela paraît pourtant écrit en français, nous disions-nous.

Cependant, j’ai un peu compris ce que vous dites sur le peuple, et votre nouvelle législation des blés.

Je vous remercie de l’intérêt tendre que vous prenez à ce pauvre peuple : mais, en vérité, il n’est ni si heureux ni si malheureux que vous le dites. [1]

Tant qu’il a de la jeunesse, de la santé et du travail, son sort est supportable ; peut-être même est-il meilleur que celui du riche : car on dit que tout homme qui a plus de cent pistoles de rente, ou qui est exempt de taille, est pendant toute sa vie tourmenté d’une maladie qu’on appelle vanité, et dont l’effet infaillible est d’empoisonner ses jouissances, et de rendre ses peines plus amères.

Mais lorsqu’une famille est chargée de faire subsister des vieillards ; lorsque la mort lui enlève son chef, ou que, né avec une constitution faible, il est souvent exposé à manquer d’ouvrage ; lorsque de

  1. (1) Pages 32 et 152.