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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 12.djvu/295

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J’ajouterai qu’en supposant même l’impunité de ces crimes légalement établie, Louis XVI pourrait encore être jugé.

Il ne faut pas, en effet, confondre le droit de poursuivre et de juger, avec le droit de punir. Non-seulement ils peuvent être distingués dans la théorie, mais ils le sont par le fait, dans les pays où l’on exige, pour exécuter les jugements, le consentement d’un pouvoir étranger au tribunal qui les a prononcés, et où cependant ce même pouvoir n’est point autorisé à suspendre l’instruction des procédures. Telle est, par exemple, la loi de l’Angleterre, où le roi peut suspendre ou remettre la peine, et ne peut arrêter les poursuites. On punit le crime, pour que la crainte du châtiment le prévienne : on le punit, pour que les coupables ne puissent plus nuire à la société par de nouveaux forfaits. Il faut poursuivre et constater le crime, pour avoir droit de le punir. Mais est-ce là le seul motif qui puisse déterminer la poursuite et le jugement d’un délit ? N’est-il pas encore utile à la société que les auteurs d’une action coupable, dussent-ils rester impunis, soient connus d’elle ; et si le doute peut tomber sur l’existence même du délit, n’est-il pas utile de savoir s’il est réel ou imaginaire ? La société n’a-t-elle pas le droit de connaître jusqu’à quel point elle a été offensée ; et combien ce droit n’acquiert-il pas de force, quand la sûreté d’un peuple entier a pu être menacée ?

La nation française a été trahie, et elle a droit de constater comment et par qui elle l’a été : cette connaissance ne peut-elle pas être nécessaire à la sû-